La Mesure Judiciaire d’Investigation Educative

La Mesure Judiciaire d'Investigation Educative : Objectifs et cadre juridique

La Mesure Judiciaire d’Investigation Educative est une mesure de protection de l’enfance avec plusieurs objectifs : évaluer la situation d’un ou plusieurs enfants au regard des critères de l’enfance en danger, évaluer les capacités des titulaires de l’autorité parentale à prendre en charge leur(s) enfant(s), à remédier aux éventuels dysfonctionnements constatés à l’origine du signalement, et à transmettre des informations écrites au magistrat prescripteur (qui a ordonné la mesure).


Particularités de la MJIE

Cette mesure d’investigation, où il est question d’évaluation dans un cadre judiciaire et contraint, présente bien des particularités et une place singulière dans le dispositif de Protection de l’Enfance.

Cette « investigation - évaluation » s’exerce sur un format court justifié pour garantir aux parents une décision dans un délai raisonnable. Cette temporalité implique un haut niveau d’expertise et impose donc au SIE de travailler avec célérité, méthodologie et exigence.


Première entrée dans le monde judiciaire

La MJIE est souvent, pour les parents comme pour les mineurs, la première mesure judiciaire en protection de l’enfance. Cette entrée dans le monde judiciaire est vécue par ces derniers avec inquiétude et angoisse, au regard de la nature des décisions pouvant être prises par le magistrat pour enfants.
Les décisions du Juge des Enfants s’appuient très fréquemment sur les préconisations du SIE qui doit s’obliger pour cette raison à un impératif de qualité envers les différentes parties : juge, mineur(s) et leur(s) parent(s), envers la structure ou le service qui accueillera éventuellement le mineur dans la suite du SIE.


Relations avec le juge des enfants

Envers le Juge des Enfants : les magistrats ont une relation de confiance avec le SIE. En ordonnant une MJIE, le Juge des Enfants attend « la prise en charge » de la situation du mineur par le service (dès le prononcé de la décision) autant qu’un travail rigoureux rendu à l’échéance de la mesure.  
Cette évaluation qui n’a pas un caractère obligatoire dans la procédure civile, doit être une véritable aide à la décision pour le magistrat.

Le SIE par ses écrits et les préconisations qu’il formule, va ou peut engager des modifications substantielles quant à l’exercice de l’autorité parentale, peut générer des séparations parents – enfant(s). C’est toujours sur des critères explicites de danger que doivent s’appuyer les propositions.
Envers les services et établissements qui accueillent les mineurs après la décision du magistrat (AEMO, MECS, Accueil de Jour, etc.). Là aussi, on le sait bien, la mesure décidée par le juge sera « évaluée » par la structure accueillante, mais aussi en miroir de la proposition du SIE. Plus pertinentes auront été l’évaluation et les propositions du SIE, plus cohérent sera le démarrage de la future mesure de protection. Sachant aussi que le changement de service ou de structure pour une nouvelle mesure, allié à la fin de l’investigation, peut être moteur de modifications comportementales inédites, voire inattendues. 
Par sa définition, son cadre réglementaire et sa durée contrainte, l’évaluation conduite en MJIE s’avère dynamique, systémique, clinique et pluridisciplinaire.


MJIE : Une démarche dynamique

La note de la DPJJ  sur la MJIE précise bien que la MJIE est une « démarche dynamique » … « qui produit par elle-même souvent un changement dans les familles et peut contribuer à dénouer une situation de crise ou de blocage ».  Dans de nombreuses situations, il est indéniable que la MJIE permet un changement chez les différents protagonistes. Plusieurs points y contribuent : 

  • Pour beaucoup de parents, la convocation chez le Juge des Enfants pour une première audience en Assistance Educative est anxiogène. Ils comprennent qu’un changement de registre s’est opéré via l’intrusion du Juge des Enfants dans leur quotidien. Fréquemment l’ouverture d’un dossier d’assistance éducative est jumelée à une mesure d’investigation.
  • La convocation au tribunal, l’audience en cabinet, la lecture d’éléments du signalement, les objectifs de la MJIE, sont autant de découvertes qui surprennent, mais qui aussi rassurent. En effet, ayant la possibilité d’exposer leur point de vue, les parents vont utiliser cette opportunité dès la première audience. De plus, en sollicitant « leur adhésion » à la mesure d’investigation, le Juge des Enfants les engage ainsi à collaborer à ce temps de réflexion et d’élaboration. 
  • Si elle est clairement identifiée comme une mesure d’évaluation sans être une mesure éducative, dans les faits, les travailleurs sociaux soulignent qu’une évaluation induit de facto des changements de comportements au sein des familles et a donc un impact éducatif. En effet, conscients de l’enjeu, souhaitant montrer leurs capacités à évoluer, les parents - assez souvent - n’hésitent pas à modifier positivement des comportements, des attitudes, des analyses. 

C’est donc une évaluation systémique qui est demandée aux SIE (étude de la situation matérielle, morale de la famille et des conditions d’éducation, du développement psychologique et de la personnalité du mineur, fréquentation scolaire et attitude à l’école, identification des besoins, analyse des éventuelles difficultés qu’il rencontre, capacités parentales ; environnements social, économique, familial, etc.) pour répondre à la question suivante : le mineur signalé au Juge des Enfants est-il en danger au titre des articles 375 et suivants et si oui quelle mesure de protection judiciaire le magistrat doit-il prononcer ? 
Nous définissions l’évaluation clinique en protection de l’enfance comme « un processus dynamique qui s’inscrit dans une certaine temporalité notamment celle de l’enfant ». L’évaluation est « une démarche méthodologique qui a pour finalité d’estimer et de caractériser le risque de danger ou le danger encouru par le mineur, de repérer les ressources mobilisables de la famille et de son environnement, de poser des hypothèses et proposer des objectifs d’intervention, de mesurer les écarts et d’analyser les effets de l’action menée afin de la réajuster, de contribuer à la décision concernant sa protection par le Juge des Enfants ».


Éthique et pratique de l'évaluation clinique

L’évaluation mobilise les compétences, les savoirs et l’expertise des personnels de l’équipe pluridisciplinaire du SIE, tout en prenant en compte les points de vue, les insuffisances et les ressources des parents, du mineur, de la famille élargie. 
Cette pratique de l’évaluation clinique doit se réaliser dans un cadre éthique, respectueuse des valeurs associatives, du projet de service, des droits et de l’intérêt de l’enfant, des règles de la procédure judiciaire et du principe du contradictoire.

Cette éthique prend en compte aussi les points suivants : 

  • Considérer le mineur comme un sujet détenteur de droits dans sa singularité et son individualité
  • Être convaincu que les parents et les mineurs ont capacité à évoluer
  • S’appuyer sur les ressources, capacités et potentialités des familles,
  • Prendre en compte les différences culturelles des familles,
  • Investiguer sans a priori, ni jugement des familles en prenant le temps nécessaire dans le cadre des délais impartis par la procédure judiciaire.